Partie III – JTC Resource Bulletin, « ODR for Courts ». L’ODR : une simplification du règlement des litiges, source de nouvelles problématiques pour les tribunaux
Par Pierre Legros
Notre trilogie touche à sa fin. En effet, voici venu le dernier volet de mon analyse détaillée du Bulletin « ODR for Courts », publié par le JTC (Joint Technology Committee) le 12 décembre 2016 (et mis à jour le 29 novembre 2017). Après avoir eu l’occasion de préciser pourquoi l’ODR (Online Dispute Resolution) apparait comme une véritable opportunité, dont les tribunaux doivent se saisir, et comment faire de sa mise en œuvre une expérience réussie, il est désormais nécessaire de s’attarder plus amplement sur les problématiques liées à l’instauration du règlement en ligne des différends et sur lesquelles les tribunaux devront porter leur vigilance.
L’adaptation de la justice aux technologies, un bouleversement des procédures et des rituels
Aux vues des précédents développements, il semble indéniable que chaque tribunal puisse tirer profit de l’utilisation des technologies, à bon escient, afin d’améliorer l’efficacité de la résolution des conflits, et ce, quel que soit son niveau actuel de maturité technologique. À ce titre, les règles et les lois qui, par inadvertance, restreignent l’utilisation de la technologie devront certainement nécessiter une mise à jour.
Cependant, le cadre législatif et règlementaire propre à la technologie ne devrait pas être trop prescriptif, sous peine de devoir être révisé à maintes reprises, au fur et à mesure des évolutions numériques. De ce fait, une certaine gouvernance risque de prendre le pas sur les lois organisationnelles traditionnelles, les normes ayant l’avantage de pouvoir émerger et être remplacées plus facilement, avec moins de formalisme. Les amendements des lois et des règlements seront ainsi probablement apportés plus rapidement. Par exemple, les lois pourraient préciser que les fichiers électroniques doivent être soumis « dans un format sans perte », au lieu de préciser quel type de format sans perte, laissant cela à la discrétion des usages du palais.
Par ailleurs, au niveau de la procédure à proprement parler, les tribunaux ne sont pas connus pour leur simplicité et leur efficacité, on en veut pour preuve :
- La dépendance des processus judiciaires traditionnels à un emplacement et un horaire précis, le juge étant la destination finale et un avocat hautement qualifié et hautement rémunéré étant là, si nécessaire, pour aider le justiciable tout au long du processus. Au contraire, la résolution en ligne des conflits, dissociant le processus du palais de justice, de l’horaire, du juge et de l’avocat, risque de réduire considérablement le nombre et la complexité des étapes permettant d’obtenir un règlement.
- Le caractère accusatoire de nombreuses procédures judiciaires, facilitant ou aggravant les conflits. La mise en place du règlement en ligne des différends peut s’avérer utile dans la réingénierie des processus, le fondement même de l’ODR étant d’apaiser le conflit, de faciliter les échanges en vue d’obtenir un règlement du litige, auquel les parties auront participé et adhéré.
- Les délais permettant l’échange de documents papier par la poste, qui demeurent codifiés dans les règles et les lois des tribunaux. Avec l’instauration de l’ODR, des modifications peuvent s’avérer nécessaires : l’échange par voie dématérialisé, étant beaucoup plus rapide, risque de raccourcir les délais de transmission et in fine la durée pour la résolution du litige.
Au-delà de cette simplification de la procédure annoncée, l’ODR risque également d’insuffler de véritables bouleversements des pratiques judiciaires en elles-mêmes :
- Au niveau de la procédure, par exemple,la conciliation est, en principe, la dernière étape d’un processus traditionnel de règlement des différends, alors qu’avec le règlement en ligne, c’est le dernier échec (avant la saisine du tribunal). Le règlement en ligne des litiges risque donc d’amener un bouleversement total de la conception des modes alternatifs de résolution des conflits, qui tendront à devenir la phase initiale obligatoire de la plupart des procédures judiciaires de faible intensité et de faible montant, voire de moyenne intensité par la suite.
- Au sein même des professions judiciaires, le personnel judiciaire doit non seulement être en mesure d’envisager un processus différent pour réaliser les objectifs du tribunal, en favorisant la résolution alternative des conflits, mais également se convertir au concept de l’amélioration continue, et donc être habilité à apporter des changements significatifs.
Par conséquent, les gestionnaires judiciaires qui participent actuellement au règlement en ligne conseillent aux tribunaux de ne pas entreprendre d’initiative de règlement en ligne tant qu’ils ne sont pas prêts à modifier les pratiques fondamentales des tribunaux.
L’acceptation de l’ODR par tous les acteurs judiciaires, un défi majeur pour les tribunaux
La technologie est souvent perçue comme l’aspect le plus intimidant d’un projet d’instauration de l’ODR, mais en réalité les facteurs humains peuvent avoir un impact beaucoup plus significatif sur le succès ou l’échec d’une tentative de règlement en ligne. Malgré l’éventail des motivations et des perspectives possibles, l’adhésion de tous les groupes d’intervenants est primordiale au succès de l’ODR.
Tout d’abord, le règlement en ligne des différends centre le « public », autrement dit les justiciables, au cœur de l’attention du développement du processus. Contrairement à la prévalence des tests de convivialité et de la conception de l’expérience utilisateur dans le secteur commercial, les tribunaux se montraient jusqu’ici peu intéressés à modifier les processus judiciaires afin de les rendre plus faciles d’accès pour les particuliers. Le public sera donc probablement le groupe d’intervenants le plus enthousiaste aux projets de mise en place de plateforme de règlement en ligne des litiges. Pourtant, les deniers chiffres publiés en 2018 dans la dernière analyse d’enquête du NCSC (National Center for State Courts), et reproduits ci-dessous, ont révélé que seulement 64% des personnes sondées semblaient trouver un intérêt dans le développement de l’ODR. Si ce pourcentage semble peu élevé et vient quelque peu fragiliser l’affirmation précédente, selon laquelle le « public » adhèrerait facilement à l’ODR, il faut toutefois noter que les résultats de la plateforme PARLe-OPC donnent des chiffrent bien plus prometteurs, puisqu’elle atteint un taux de satisfaction supérieur à 90%. Cela conforte donc l’idée selon laquelle le succès de l’ODR dépendra de son adaptation au public visé.
D’autre part, au fur et à mesure que les processus seront rationalisés et numérisés, voire même externalisés, certaines fonctions judiciaires seront soit transférées à d’autres secteurs, soit disparaîtront peut-être même. Or, toute diminution du besoin de compétences du personnel judiciaire pourrait engendrer de la résistance. C’est pourquoi leur adhésion à un tel projet apparaît également nécessaire, si ce n’est même indispensable, pour éviter tout blocage dans sa mise en œuvre. Pour faciliter cela, le JTC souligne que les initiatives de résolution en ligne des différends devraient libérer le personnel pour qu’il puisse fournir davantage d’aide « à valeur ajoutée », notamment afin de communiquer de l’information juridique complexe, de façon compréhensible et utilisable, auprès des usagers. L’ODR peut également nécessiter la création de nouveaux postes plus souples : en effet, le personnel judiciaire qui appuie un tel processus en ligne 24h/24, 7j/7, pourrait aussi être en mesure de faire son travail à distance et selon un horaire de travail beaucoup plus souple.
Tout cela est sans compter la probable résistance des barreaux, qui pourrait bien contribuer à enrayer le développement de l’ODR. En effet, avec les plateformes d’auto-assistance – telle que JusticeBot –, les citoyens seront habilités à résoudre certaines questions juridiques sans conseil d’un avocat. Pour ces derniers, le règlement en ligne des différends peut donc être considéré comme une menace. Cela ne devrait toutefois pas empêcher les tribunaux d’adopter des techniques évolutives qui répondent mieux aux besoins de la société numérique du XXIe siècle : en tout état de cause, ce n’est pas à la justice de stagner, mais bien à l’Avocat de faire évoluer sa profession. D’autant plus que le règlement en ligne des différends peut tout à fait offrir de nouvelles possibilités aux avocats, notamment en tant que médiateur ou arbitre sur la plateforme d’ODR, ou encore dans les États qui adoptent des règles de représentation à portée limitée (aussi appelé dégroupage).
Pour éviter de telles pressions, le bulletin du JTC recommande, d’abord, aux tribunaux de commencer par mettre en œuvre l’ODR pour régler des conflits tels que les plaintes de petits consommateurs ou les infractions routières mineures qui n’impliquent pas d’avocat et peu de personnel, évitant ainsi des résistances qui pourraient retarder ou faire dérailler le projet. Le JTC souligne, ensuite, la nécessité d’impliquer tous les acteurs dans la conception et mise en place du processus, afin d’obtenir l’adhésion progressive de chacun et d’en assurer la réussite. Cette participation des acteurs au projet est l’un des fondements clés qui expliquent le succès de la plateforme PARLe-OPC.
La nécessaire évaluation du succès : le justiciable ou nouveau « client roi » de la justice
Se fondant sur la méthode Agile, la résolution en ligne des litiges est, par nature, une application de la technologie axée sur le « client » du tribunal, c’est-à-dire du justiciable, le fondement même du projet étant d’améliorer son accès à la justice. Se concentrer principalement sur les « clients » des tribunaux, leurs besoins et leurs préférences, constitue également un autre des changements culturels importants : tant pour le personnel judiciaire, que pour la philosophie du procès en elle-même.
Toutefois, cet usage répétitif du terme « client » dans le bulletin du JTC – plus précisément « customer » en anglais – nous interroge sur la valeur même de la justice aujourd’hui : dans cette société de consommation, la justice deviendrait-elle un service comme les autres, où le « client » est roi ? Cet usage sémantique peut choquer, le justiciable ne devenant alors plus qu’un simple consommateur de Justice. Mais, dans le même temps, cela correspond à la société actuelle où chacun s’estime légitime d’avoir tout, tout de suite et n’importe où. D’un point de vue terminologique, cela amène un questionnement autour de la définition juridique du consommateur. Généralement, le consommateur est défini par opposition au professionnel, avec lequel il est lié par un contrat de consommation. Or, un consommateur est défini par de la directive européenne n° 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs comme « toute personne physique ou morale, qu’elle soit publique ou privée, qui agit, y compris par l’intermédiaire d’une autre personne agissant en son nom ou pour son compte, aux fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ». La justice n’est pas un « service » comme les autres et les tribunaux n’ont pas la vocation à faire du profit, c’est au contraire un service public d’intérêt général. Par conséquent, il serait bien plus convenable de substituer le terme « usager » pour désigner le justiciable aux termes « consommateur » ou « client », car le justiciable n’est rien d’autre qu’un usager du service public de la justice, souhaitant exercer ou se faire reconnaître un droit.
Quoi qu’il en soit, pour évaluer la réussite d’un projet d’ODR, il apparaît essentiel de mesurer l’impact positif du processus à la fois sur les résultats juridiques, mais aussi sur l’utilisation du service, qui doit être satisfaisante pour l’usager et permettre un accès élargi.
- Pour mesurer, d’une part, l’efficacité du règlement en ligne sur les résultats juridiques, il convient de tenir compte : du délai de règlement, du coût par cause pour les parties et les tribunaux, des taux de règlement, des taux de défaillance et des répercussions financières et non financières sur les clients et les collectivités. Le règlement en ligne peut également améliorer les résultats des tribunaux, accroître le volume des causes réglées et réduire l’arriéré des causes.
Le rapport alerte toutefois lest tribunaux sur la nécessité de se méfier des chiffres obtenus, car l’augmentation du nombre de différends réglés avant le dépôt des causes réduira nécessairement le nombre de causes déposées, ce qui pourrait biaiser artificiellement les statistiques sur le traitement des causes. À l’inverse, une diminution du nombre de dossiers déposés pourrait tout aussi signifier que le processus de réclamation est trop long, complexe ou coûteux.
- D’autre part, mesurer la satisfaction procédurale est également essentiel, car les citoyens ont de grandes attentes à l’égard des tribunaux et leur satisfaction a nécessairement une incidence sur leur perception de la légitimité du tribunal, ainsi que sur leur volonté d’accepter les résultats juridiques. Il s’agit entre autres de tenter de comprendre si les usagers se sont sentis traités avec respect, écoutés, s’ils ont compris les instructions et implications du processus, s’ils l’ont considéré comme équitable et impartial et si la technologie fonctionne bien.
Pour résumer, le bulletin suggère une méthodologie, suivant celle du benchmarking, afin de mesurer le succès, ou non, de la mise en place de l’ODR, avec un maximum d’objectivité. Le tableau, reproduit ci-dessous, détaille ainsi les résultats escomptés dont le tribunal doit se préoccuper, les mesures de données à effectuer et un conseil de présentation des résultats.
La fracture numérique de la société, un accès limité à la justice de demain ?
Les préoccupations au sujet de l’accès limité à la technologie de certaines parties de la population ont incité certains dirigeants judiciaires à justifier les retards dans l’exploitation complète de la technologie, y compris le règlement en ligne des différends.
Cependant, des études confirment que les Américains ont presque universellement adopté la technologie : 97% des Américains âgés de 18 à 49 ans utilisent Internet. L’utilisation varie quelque peu selon le revenu, mais même parmi les populations aux revenus les plus faibles, l’utilisation d’Internet dépasse les 80%. Inversement, les groupes de défense de la justice estiment que seulement 20% environ des Américains à faibles revenus ont accès au système judiciaire civil, et les statistiques ne sont pas beaucoup meilleures pour les autres tranches de revenu. Ironiquement, cela signifie qu’un pourcentage beaucoup plus élevé de la population a accès plus facilement à la technologie qu’à la justice, par l’entremise des tribunaux…
Compte tenu de l’énorme potentiel d’amélioration de l’accès des usagers à la justice, les tribunaux peuvent encore renoncer aux options de règlement en ligne des différends compte tenu de la fracture numérique. En effet, près de 50 % des adultes américains dont le revenu du ménage est inférieur à 30 000 $ ne possèdent pas d’ordinateur ou n’ont pas accès à Internet à large bande à la maison, la disponibilité de la large bande étant encore limitée dans certaines régions rurales. Néanmoins, la prolifération des smartphones au cours des dernières années réduit considérablement le fossé numérique. En novembre 2016, plus des ¾ des adultes américains possédaient un téléphone intelligent, contre 46 % en novembre 2012. L’accès à l’ODR est donc principalement un problème si les sites Web ne sont pas adaptatifs, autrement dit s’ils ne peuvent être utilisés qu’à partir d’ordinateurs (de bureau ou portables).
Mais qu’en est-il des personnes en dehors de la moyenne des 18-49 ans visée dans l’étude précitée, et plus particulièrement des personnes plus âgées n’ayant parfois même pas de téléphone portable, ni même de connexion Internet ? La France a créé un nouveau terme pour désigner cette catégorie de population touchée par l’« illectronisme » – pour illettrisme numérique –, parmi lesquels certains sont considérés comme « abandonnistes », s’étant résignés à ne pas changer leurs habitudes et donc à renoncer aux procédures dématérialisées.
Malgré les difficultés d’accès de cette catégorie de la population, le bulletin du JTC se veut plutôt optimiste. Partant du constat que les tribunaux, qui ont tenté de fournir des solutions de rechange sur papier aux processus en ligne, ont constaté que les utilisateurs ne sont tout simplement pas intéressés[1], le comité en déduit que les personnes qui n’ont pas d’accès à Internet chez eux, pourront toujours en obtenir un par l’entremise d’un membre de leur famille, ou dans une bibliothèque publique, ou un point d’accès Wi-Fi local. Il se peut donc qu’à l’avenir, les bibliothécaires, les travailleurs sociaux, les enseignants et les défenseurs des sans-abri et des victimes de violence familiale deviennent les nouveaux professionnels du règlement en ligne des différends. Encore une fois, il convient de prendre une certaine distance avec l’argumentaire incitatif du JTC, car finalement, la solution proposée ne fera que déplacer le problème. En effet, plutôt que de se déplacer physiquement au tribunal pour se rendre, par exemple, à une médiation en face à face, la personne devra se déplacer à la bibliothèque ou chez un membre de sa famille. Par conséquent, le gain de temps et d’argent pour ces catégories de populations risque d’être moindre que pour les autres.
La protection des données, un enjeu au cœur de la dématérialisation des procédures judiciaires
La protection des données personnelles est l’un des nouveaux enjeux juridiques majeurs du XXIème siècle, tant pour le législateur que pour les citoyens. La prise de conscience de la problématique est bien réelle. En 2017, une étude de l’Institut CSA montrait que « 9 Français sur 10 se disent préoccupés par la protection de leurs données personnelles en ligne ». Les initiatives législatives en la matière ne cessent de proliférer sur tout continent confondu, notamment : la loi japonaise My Number entrée en vigueur en janvier 2016, le RGPD (Règlement général de la protection des données) récemment entré en vigueur le 25 mai 2018, lequel a largement inspiré tant la LGPD brésilienne que la loi californienne – le California Consumer Privacy Act – qui entrera en vigueur le 1er janvier 2020.
De surcroît, force est de constater que bon nombre d’États ont, depuis longtemps, institué une autorité de protection des données, comme en témoigne la carte ci-dessous :
Le règlement en ligne des conflits amène naturellement de nouvelles problématiques technico-juridiques auprès des tribunaux. En effet, les tribunaux instituant une telle procédure sous leur gouvernance seront alors responsables du traitement et de la tenue des dossiers. Dans ce cadre, ils doivent préalablement définir, de façon réfléchie, à qui appartiennent les données du système de règlement des différends en ligne, comment elles sont protégées, comment elles peuvent être utilisées, et comment et où les pistes de vérification sont conservées.
Si la négociation entre pairs se fait au moyen d’un logiciel fourni ou autorisé par la cour, cette dernière doit tout de même déterminer, au préalable, l’information qui devra être privée et l’information qui pourra être accessible ; tout en déterminant pour qui elle l’est, quand et comment. Les négociations et communications privées entre les parties ne font pas partie du dossier judiciaire et ne devront être donc ni conservées, ni communiquées au tribunal. Les tribunaux seront également responsables des ententes définitives, des jugements et de tout document déposé officiellement dans le cadre du dossier judiciaire.
L’obligation d’information des usagers est également une part importante dans la mise en place d’un tel processus. À partir du moment où un système traite de données personnelles, les parties concernées doivent savoir, avant de commencer :
- Comment le processus fonctionne,
- Qui le gère,
- Qui aura accès aux données, et
- Combien cela coûtera à chaque étape du processus.
En vertu du principe de transparence, les processus et algorithmes qui ont un impact sur les décisions devront être disponibles pour examen.
Par ailleurs, la plupart des mises en place d’ODR se devant de faire ses preuves, notamment pour obtenir l’adhésion progressive de toutes les parties concernées, l’institution judiciaire sera certainement amenée à publier les résultats des projets pilotes, qu’ils soient ou non positifs. Traditionnellement, les tribunaux ne sont pas des organisations axées sur les données. Il s’agira, une fois de plus, d’un véritable changement de culture pour les gestionnaires de tribunaux, qui devront évaluer les données qui orientent le processus, afin de les analyser pour pouvoir à terme améliorer le processus. La publication intentionnelle des données pourrait exposer des inefficacités, des injustices ou conforter des préjugés, mais ce système contribuera surtout à assurer l’équité et la transparence du processus de règlement en ligne des litiges.
En guise de conclusion, en dépit de ces nouveaux défis auxquels devront faire face les tribunaux mettant en place le règlement en ligne des différends, il n’en reste pas moins indéniable que l’ODR offre des possibilités considérables pour aider à corriger les déséquilibres actuels dans l’accès à la justice. Toutefois, si l’ODR semble avoir un avenir prometteur, il n’est pas nécessairement gage de réussite. L’objectif de cette trilogie de blogue était justement de montrer tant les avantages, que les problématiques liées au règlement en ligne des différends, tout en proposant des solutions ainsi que des recommandations de bonnes pratiques.
« Les technologies ne résoudront pas tous les problèmes de justice, mais elles peuvent contribuer à les atténuer : coûts, délais et simple accessibilité. Les technologies sont aussi un prétexte pour repenser les processus judiciaires et extrajudiciaires et pour imaginer de nouveaux modes de règlement des litiges. »
– Karim Benyekhlef – [2]
[1] Anticipant le besoin d’une solution de rechange non technologique pour les populations ayant un accès limité à la technologie, le CRT (Civil Resolution Tribunal) de la Colombie-Britannique a créé un processus parallèle de formulaires papier. Toutefois, seulement 20 demandes sur papier ont été déposées en 2016 ; de janvier à novembre 2017, ce nombre était de 13.
[2] Laboratoire de cyberjustice, « Vers une cyberjustice », 2011-2018
Ce contenu a été mis à jour le 5 août 2019 à 11 h 39 min.