Cycle annuel de conférences Chaire LexUM 2022-2023 Histoire et géopolitique d’internet
La prégnance d’Internet dans la vie quotidienne nous fait oublier son origine et les enjeux géopolitiques dont il est le vecteur et l’acteur. Vecteur, puisque par son truchement, se déploient des opinions, des actions, des opérations, des affrontements ou encore des activités commerciales qui ponctuent et animent la vie sociale. Internet est également un acteur au sens où son contrôle, son organisation et sa régulation constituent indéniablement des enjeux géopolitiques de première importance.
Ce cycle de conférences a pour but de révéler la dimension historique et géopolitique d’Internet, et de mieux saisir comment le cyberspace est devenu un terrain de combat idéologique, économique et politique à part entière.
Une courte histoire d’Internet permet de comprendre le contexte socio-culturel dans lequel cette infrastructure est née, et pourquoi celle-ci n’a pas fait l’objet d’une régulation. L’Internet global d’aujourd’hui est bien éloigné des premiers prototypes bricolés par des chercheurs dans les années 1960-1970 qui baignent alors dans une ambiance contre-culturelle qui associe la numérisation et la mise en réseau à une libération des autorités et des forces du marché dans une théorisation apparaissant aujourd’hui naïve et folklorique, mais que certains s’activent encore à poursuivre, notamment dans le champ des cryptos, y trouvant une justification commode et éminente pour masquer leurs visées purement commerciales.
Puis, Internet grand public émerge, au mitan des années 1990, dans la foulée de la chute du Mur de Berlin et dans l’euphorie du triomphe libéral qui verra le rôle et les fonctions de l’État se transformer au profit notamment d’une prééminence des règles du marché. L’idée de réguler le réseau des réseaux est alors contraire à la doxa de l’époque. Ainsi, une formule spécieuse veut que la régulation soit un frein établi à l’innovation. On entend aussi que les modèles d’affaires ne sont pas fixés et qu’une intervention étatique nuirait là-aussi à la mise en place de ce que seront les grandes plateformes, comme Facebook ou Google, à savoir, in fine, des régies publicitaires.
Le temps des naïvetés semble maintenant terminé. La taille formidable des plateformes, leur appétit insatiable pour les données et leur volonté d’occuper tous les champs de l’activité humaine, de la santé à l’éducation en passant par le commerce de détail, l’information, la banque ou encore la monnaie, en font des menaces réelles pour États et, en particulier, pour la démocratie qui vit, par ailleurs, des moments déjà difficiles dans nos régimes démocratiques libéraux.
Aujourd’hui, la régulation d’Internet figure en haut de l’agenda politique des États. D’une part, l’émergence de plateformes gigantesques, qui règnent en maître dans le cyberespace, a affaibli le pouvoir normatif des États et donné naissance à un « techno-féodalisme » et à un « capitalisme de surveillance » qui met à l’épreuve nos sociétés démocratiques. D’autre part, les cyberconflits, cyberattaques et autres cybermenaces ont fait du cyberspace le terrain de combat privilégié de ce début de siècle. Ces actions sont conduites par des groupes indépendants, usuellement criminels, ou, plus souvent, par des États directement ou en sous-traitance à ces groupes. Partant du constat qu’Internet porte en lui les germes de nouveaux conflits majeurs (fake news, infox, guerre hybride, manipulation électorale, cyberattaques d’infrastructures essentielles, etc.), une régulation semble finalement se dessiner, même s’il est bien tard.
Ce cycle de conférence devrait permettre de réfléchir à ces questions complexes qui vont sans doute préoccuper les démocraties libérales pour un bon bout de temps.
Première conférence:
Henri Isaac: Une généalogie de la guerre cognitive
Deuxième conférence:
Troisième conférence:
Louis Perez: L’État et les GAFAM : une compétence normative concurrente
Quatrième conférence:
Une histoire politique de la Silicon Valley
Cinquième conférence:
Du cyberespace à la datasphère: enjeux géopolitiques de la révolution numérique
Ce contenu a été mis à jour le 31 mars 2023 à 10 h 04 min.