Valentin Callipel explique comment le règlement en ligne est au service de la réforme de la justice
Peut-on moderniser la justice avec ses juges, voire même ses avocats?
Pardonnez le caractère rhétorique de cette interrogation, mais dans les derniers mois, on ne compte plus les annonces alarmantes prédisant le remplacement des avocats par des machines ou des tribunaux par des opérateurs privés, plus efficaces, plus véloces et, par conséquent, plus en phase avec des acteurs économiques épris de rationalité et d’efficacité.
À mille lieues de ces chimères, l’actualité de la réforme de la justice paraît devoir se contenter d’établir un ordre de priorité entre : l’augmentation du nombre de juges – un remède usité par le passé avec un succès mitigé – ; la déjudiciarisation de certains contentieux et la modernisation des procédures grâce aux technologies de l’information et de la communication. Que faut-il privilégier? Voilà une question bien épineuse à laquelle nos différents paliers de gouvernement se voient sommés de répondre, alors que les effets de l’arrêt R. c. Jordan ébranlent au quotidien l’opinion publique.
L’observation attentive du développement du règlement en ligne des litiges – le REL – se révèle très éclairante et pourrait servir de piste de réflexion.
D’hier à aujourd’hui…
Né au Centre de recherche en droit public de l’Université de Montréal, avec les travaux pionniers du Professeur Karim Benyekhlef, le REL a depuis trouvé toute sorte d’application : de l’arbitrage en ligne – et surtout à distance – des conflits liés aux noms de domaine (eResolution), au règlement sur le Web des litiges découlant de l’utilisation des grandes plateformes de commerce en ligne (eBay), jusqu’à la négociation amiable d’un divorce (Rechtwijzer). Si le REL n’est plus confiné aux litiges de basse intensité, il n’a pas encore pleinement pris sa vitesse de croisière.
En effet, depuis maintenant bientôt 30 ans, les spécialistes débattent encore du rôle et de la place que devrait jouer ce nouveau modèle processuel au sein du paysage judiciaire. Le REL doit-il rester confiné au tout privé, comme le laisse suggérer l’essor de certains opérateurs privés, comme Modria aux États-Unis, ou bien peut-il servir de relais concret pour les pouvoirs publics et améliorer l’offre de justice existante, à l’image du projet PARLe que mènent conjointement l’Office de la protection du consommateur du Québec, le ministère de la Justice du Québec et le Laboratoire de cyberjustice?
Ce contenu a été mis à jour le 18 septembre 2017 à 15 h 59 min.