ODR Forum 2014 — Le Laboratoire de cyberjustice à Stanford & à San Francisco pour la rencontre annuelle au sujet de la résolution des litiges en ligne
Faisant une recherche préliminaire sur le Web en vue de m’échauffer pour rédiger ce billet de blogue, je me retrouve face à cette affiche virale provenant des réseaux sociaux citant Henry Ford :
Voilà donc une citation reprise par des millions d’internautes l’associant à une panoplie d’exemples d’utilisation. Cependant, mon intérêt à la citer aujourd’hui sur notre blogue découle de la double illustration de son sens (explicitée en fin de billet) par rapport à un des plus importants projets du Laboratoire de Cyberjustice : la résolution des litiges en ligne (terminologiquement équivalant à la résolution en ligne des litiges, mieux connue en anglais sous l’acronyme ODR ou Online Dispute Resolution).
En rétrospective, je constate que c’est sous l’angle de l’essence même de cette citation que j’ai pu présenter les travaux, les développements et la philosophie du Laboratoire lors de la rencontre annuelle du ODR Forum.
L’édition 2014 du ODR Forum s’est tenue du 25 au 27 juin 2014 à San Francisco et à Stanford conjointement. UC Hastings et Stanford University en étaient les universités hôtes. Cet événement rassemble les principaux acteurs du domaine de la résolution des conflits en ligne (ODR) afin de passer en revue les tendances, développements et avancements aux plans juridiques et multidisciplinaires de la question.
Vous auriez pu y voir et écouter des présentations offertes par d’importants contributeurs tels que Ethan Katsh (Umass), James Silkenat (ABA), Robin Feldman (UC Hastings & Google), Charley Moore (RocketLawyer), Ed Hartman (LegalZoom), Geoff Brigham (Wikimedia) et plusieurs autres.
À l’heure actuelle, eBay, Paypal, Odesk, Elance et AirBnB (toutes présentes à l’ODR Forum 2014) ne sont que quelques exemples d’entreprises qui adoptent l’« ODR » comme moyen de résolution des litiges. Toutefois, il faut se rappeler que l’ODR a été créé et modelé par des travaux académiques et des recherches universitaires menés de front par deux professeurs avant-gardistes : Professeur Karim Benyekhlef de l’Université de Montréal et Professeur Ethan Katsh (University of Masschussets). En se basant sur les travaux de ces deux professeurs, le secteur privé, notamment eBay, a pu produire la première plateforme commerciale de résolution des litiges en ligne pour servir ses utilisateurs.
Représentant le Laboratoire de Cyberjustice, j’ai pu donner ma présentation en expliquant notre vision et méthodologie à propos de la résolution des litiges en ligne et notre modus operandi en vue d’un déploiement durable.
Les effets positifs de l’ODR sont inéquivoques. La perception générale du public vis-à-vis l’ODR est caractérisée par un regard bénéfique et bienfaisant. Évidemment, nul ne peut être contre la vertu. Toutefois, des questions majeures demeurent sous silence ou manquent d’analyses concrètes et ce Forum n’a pas encore permis de les résoudre. Ma présentation à ce sujet avait pour but d’éclaircir et de relayer l’information concernant les défis à surmonter et d’offrir les hypothèses et les méthodes avancées par le Laboratoire en vue d’y parvenir :
- Quelles sont les conséquences de la multiplication des plateformes privées d’ODR?
- Comment l’État devrait-il s’approprier l’ODR pour améliorer le système de justice?
- Où, comment et quand faire intervenir l’ODR au niveau étatique?
- Quels sont les moyens envisageables pour financer de tels systèmes?
- À qui revient la responsabilité d’en faire la gestion?
- Quelles seraient les retombées positives et négatives?
- Serait-ce un processus obligatoire pour le public?
- Quelle est la perception du justiciable par rapport à cette approche?
- Quelle est l’opinion de la magistrature, du personnel administratif des tribunaux, des avocats et des médiateurs? Comment les intégrer au projet?
Hormis les questions techniques de développement, de programmation et de design, la question de l’ODR ne se limite pas à une plateforme technologique indépendante de l’écosystème complexe, voire hermétique, relié au domaine du Droit. Cet échantillon de questions ne représente que la « pointe de l’iceberg ». Le Laboratoire étudie une globalité exhaustive d’interrogations et de phénomènes à ce sujet.
Nous sommes conscients que notre avancement et nos recherches sur ces questions contribuent à l’avancement global de la résolution des litiges en ligne tant au niveau local qu’international. Nous tentons d’inciter les acteurs de ce domaine à adopter notre vision et nous proposons notre savoir-faire en vue de les épauler pour franchir les obstacles à venir. À mon avis, le Forum doit être consacré aux obstacles actuels qui accompagnent l’émergence de l’ODR. On doit délaisser la formule d’exposition donnant l’opportunité à une multitude de participants de présenter des plateformes n’étant dissemblables les unes des autres que par leur GUI. Il faut dorénavant se consacrer aux questions de deuxième et troisième générations souvent ignorées par les participants.
C’est suivant cette lignée de pensée que j’ai choisi de ne pas faire une démonstration de l’application développée par le Laboratoire de Cyberjustice pour la résolution des litiges en ligne. L’application Web PARLe intègre les fruits de plusieurs années de recherche sur le sujet et se trouve à la fine pointe de la technologie. Le Laboratoire a travaillé notamment avec la magistrature, le Barreau et le public en vue de dresser des rapports holistes et réfléchis au sujet de l’ODR tout en enchâssant le travail technique et technologique à sa réalisation.
Notre travail ne se résume pas uniquement à une interface graphique, un procédé technique ou à une expérience utilisateur. Consacrer une présentation sur ces points uniquement ne rendrait pas justice à ce projet. Le Laboratoite de Cyberjustice est un incubateur de recherche dynamique et multidisciplinaire visant à étudier,tester, proposer, rectifier, intégrer et déployer des projets d’ampleur nationale et internationale en suivant une approche holistique mesurée et étudiée jusqu’à ses plus fines ramifications. Ainsi, j’ai décidé d’aborder et de faire valoir des questions plus englobantes lors de ma présentation à Stanford telles que :
- L’élément code ouvert (« open source ») de l’application Web PARLe et sa raison d’être;
- La consultation et la participation de la magistrature, du Barreau et du public dans le travail relié au développement de plateformes de résolution des litiges en ligne;
- L’avancement d’hypothèses étudiées et mesurées pour l’adoption d’un ODR national;
- Les avantages d’une annexion en amont du processus judiciaire;
- La justification d’offrir les rênes de ce virage au noyau réel du système de justice, et les conséquences de vouloir procéder autrement;
- Des exemples de projets dans le domaine de la justice ayant échoué à cause d’un changement dirigé ou commandé d’une manière exogène.
À mon avis, la réflexion entourant le développement de l’ODR ne peut plus se limiter à un système en vase clos taillant la part du lion aux acteurs privés. L’interdépendance entre les acteurs privés et publics est non seulement bénéfique pour améliorer le fonctionnement du système de justice existant, mais également incontournable pour assoir un modèle d’ODR viable à long terme. Les contributeurs à l’ODR doivent emboiter le pas au Laboratoire de Cyberjustice afin de se recentrer sur les nouveaux enjeux liés à ces questions.
Après avoir organisé l’édition précédente de cette rencontre, ODR Forum 2013 tenu à l’Université de Montréal, nous avons participé à l’édition 2014 en réaffirmant notre dynamisme sur la scène internationale et notre volonté d’entrecroiser la recherche, les acteurs du milieu judiciaire et le développement d’application en matière de cyberjustice tout en suscitant l’intérêt du public sur les avancées et développements réalisés au Québec en vue de régler un problème affectant la majorité des états américains et provinces canadiennes. En somme, soit-elle sur la scène internationale ou dans le cadre de nos projets nationaux, nous demeurons fiers de notre approche conciliatrice et inclusive en vue de mener à bout notre mission.
Bachar Daher, stagiaire en droit
bachar.daher@cyberjustice.ca
Ce contenu a été mis à jour le 10 juillet 2019 à 15 h 57 min.